TRAFIC ANIMAUX : UN COMMERCE
DE 40 MILLIARDS D'EUROS PAR AN
Un dossier de Siné Hebdo – mercredi 8 janvier 2010 – Une enquête de Julie
Le Bolzer (extraits)
Le commerce illicite d’animaux, troisième économie souterraine mondiale
après les trafics de drogue et d’armes, générerait jusqu’à 40 milliards
d’euros par an. Facilité par Internet, ce marché, - qui concerne aussi
bien les animaux de compagnie que les bêtes sauvages – obéit aux « règles
» de la mondialisation.
L’État a d’autres chats à fouetter.
Grâce au travail de terrain et aux campagnes des associations, les
mentalités ont évolué en faveur de la protection animale. Mais certains
services de l’État, dont la justice, ne suivent pas. En batterie, les
femelles enchaînent les portées et ne voient jamais le jour.
Les papiers de l’animal ? Beaucoup sont faux. Comme des centaines de
milliers d’autres, toutes races et tout bâtards confondus. Depuis la chute
du Mur, les élevages clandestins se sont multipliés en Europe de l’Est
dans les pays intracommunautaires comme la Roumanie, la Slovaquie, la
Hongrie, la Pologne, La République tchèque… La SPA a réussi à en visiter
quelques-uns uns, et ce que raconte Brigitte Piquet-Pellorce, responsable
depuis plus de quinze ans de la Cellule Anti-Trafic, fait froid dans le
dos : « Les femelles reproductrices enchaînent portée sur portée, en
batterie, dans des hangars. Elles ne voient jamais la lumière du jour, pas
un brin d’herbe, sont peu nourries et sont en contact occasionnellement
avec l’être humain. Les petits leur sont retirés très tôt, ce qui donne
des animaux désocialisés.
Si, malgré les soins, votre toutou un peu chétif meurt, la vendeuse de
l’animalerie vous dira sans doute « on peut vous le changer si vous
voulez. »

Ces bêtes d’origine douteuse,
fruits d’élevage intensifs mais aussi de ce que les professionnels
appellent le « ramassage à la ferme » (auprès des paysans), transitent
ensuite par l’Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique, véritables plaques
tournantes des trafics d’animaux, qui autorisent l’importation de chiots
et de chatons de l’Est sans être trop regardants sur la vaccination
antirabique. Après un bon toilettage, un tatouage, quelques vaccins et une
nouvelle identité, les voilà fins prêts pour alimenter le marché français.
Premier pays d’Europe en termes de possession d’animaux de compagnie, l’Hexagone
accueillerait chaque année un million de nouveaux chiens, alors que la
Société centrale canine (SCC) n’enregistre que 200 000 identifications pas
an.
Le médiatique vétérinaire Rousselet-Blanc confirme le trafic : « Les
petits chiens à la mode comme le Chihuahua, sont achetés quelques
centaines d’euros dans les pays de l’Est, puis revendus jusqu’à cinq fois
ce prix en France, par des marchands peu scrupuleux. Il s’agit souvent de
chenils qui ont une belle visibilité mais qui attribuent n’importe quel
papier à n’importe quel animal. Dans d’autres cas, le vendeur se fait
passer pour un particulier, prétend que son chiot provient d’un élevage
familial, et se manifeste via des petites annonces.

« Le cadre législatif français
est perfectible, mais ici, c’est pire qu’ailleurs ! »
Face à ces réseaux, les défenseurs d’animaux se mobilisent. Notamment la
Société Nationale pour le Défense des animaux (SNDA). L’association
accumule les preuves contre les réseaux, malheureusement, les actions en
justice sont trop souvent classées sans suite. Cette idée selon laquelle
la Justice Française ne fait guère de zèle lorsqu’il s’agit de défendre
les animaux revient sans cesse dans la bouche des militants. « Quant aux
services directement concernés (Douanes, Gendarmeries, DDSV, BNEVP, etc…)
aucun n’a donné suite à nos multiples demandes d’interview. »

Chez One Voice, association
pour une éthique animale et planétaire, Muriel Arnal dresse un bilan
encore plus sévère de la situation : « En Inde, pays en voie de
développement, les lois sont mieux appliquées qu’ici. Le problème de la
France est là : la justice ne suit pas alors que la réglementation existe
et que, sur le terrain, nous rencontrons souvent des gens motivés. »
Les chiens sont maintenant « pucés », c'est-à-dire qu’on leur a implanté
un transpondeur sous-cutané. Mais les gendarmeries n’ont pas de lecteurs
de puces, alors on voit les képis faire la queue chez le véto qui lui, en
est équipé !
« Les associations seraient inutiles s’il y avait des fonctionnaires
spécialisés »
Brigitte Piquet-Pellorce : Je ne connais pas un commerce où il y ait
autant d’exactions sanitaires et de tromperie, avec si peu de contrôles.
Les éleveurs corrects ont énormément de mal à lutter. Logiquement, si les
services de l’État faisaient bien leur boulot, s’il y avait des
fonctionnaires spécialisés, les Associations n’auraient pas besoin
d’exister ! Les politiques sont frileux. Peut être que la protection
animale est, à leurs yeux, une histoire de sensibilité féminine…
Le chien est le meilleur ami de l’homme, il ne faudrait pas que l’homme
devienne le pire ennemi du chien.

Quelques chiffres :
60 millions de Chats, Chiens, petits rongeurs, oiseaux, etc.. vivent en
France.
55% des foyers français possèdent au moins un animal de compagnie
60 000 chiens et 30 000 chats disparaissent chaque année en France.
1073 laboratoires français ont recours à l'expérimentation animale. Ils
ont "utilisé" 2 300 000 animaux en 2008.
Source : Inventerre

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